Quel que fut le plan de Laeti, je ne m'en souvins plus. Sous la pression, j'avais continué à enchaîner les verres de vodka. Ma tête me tournait alors que j'étais en train de danser langoureusement, indifférente à ce qui m'entourait. Une main effleura ma taille, ce qui me fit sortir de ma bulle. Castiel, complètement soûl lui aussi, dansait près de moi. M'avait-il touché intentionnellement ? Autour de moi, la pièce tournait de plus en plus, il faisait chaud, l'odeur de pizza et d'alcool devenait écœurante. J'allais être malade. Je me précipitais dans le couloir, le seul plan qui comptait maintenant, c'était atteindre les toilettes avant qu'il ne soit trop tard.

 

Je dus perdre connaissance. Je recouvrai mes esprits lorsque je me sentis quitter le sol. Quelqu'un me portait. Qui que ce fut, j'espérais ne pas lui vomir dessus. La musique continuait à résonner dans ma tête. Après avoir pensé que c'était seulement le contre-coup de l'alcool, je réalisai que la musique était bien réelle. Quelle heure était-il ?

 

« Tu sens vraiment mauvais, marmonna la personne qui m'avait ramassé dans les toilettes. »

 

C'était Armin. Il montait les marches sans difficulté, alors que j'étais un véritable poids mort dans ses bras. Il ouvrit la porte de ma chambre avec son genou et me posa délicatement sur le lit. Je me redressai.

 

« J'ai dormi longtemps ? demandai-je.

  • Non, répondit-il, ça fait à peine vingt minutes que tu es dans les toilettes. Il est quatre heures.

  • Et les autres ? Ils sont encore tous là ?

  • Oui, personne n'a bu autant que toi, continua-t-il, à part Castiel, je crois qu'il dort dans la chambre en bas.

  • Oh, fis-je, inquiète. Quelqu'un est allé vérifier qu'il aille bien ?

  • Aucune idée, répliqua-t-il. Je compte pas jouer l'infirmière auprès de lui aussi. 

  • Je sais, m'empressai-je de répondre, d'ailleurs merci, Armin, de ne pas m'avoir laissée la tête dans les toilettes. »

 

Cela le fit rire, il proposa de me ramener un verre d'eau, d'après lui, s'hydrater est le meilleur remède contre la gueule de bois. Je retirai mes chaussures et attrapai mon téléphone. Je demandai à Laeti si tout allait bien en bas. Je ne comptai pas redescendre, j'avais trop peur de croiser Castiel. Finalement, Laeti avait eu la pire idée en me disant de tout faire pour qu'il vienne. Je ne supportais pas de le voir en sachant qu'il me déteste, et je ne voyais pas comment il pourrait me pardonner ma trahison. Malgré moi, les larmes me montèrent aux yeux et roulèrent sur mes joues. Tout en attendant que Laeti me réponde, j'allais me mettre de l'eau sur le visage et me brosser les dents. Armin revînt avec le verre d'eau promis.

 

« Comme tu avais l'air de t'inquiéter pour lui, j'ai demandé à Lysandre d'aller voir si Castiel allait bien, dit-il d'un ton détaché. Rassure-toi, il est encore vivant. »

 

Armin posa le verre d'eau sur ma table et nuit et s'assit au pied du lit. Je séchai mon visage avec une serviette et vins m’asseoir près de lui.

 

« Merci c'est gentil, ça m'embêterai quand même que quelqu'un se sente mal à ma fête, surtout que j'ai honte d'avoir été assez bête pour boire jusqu'à en être malade, fis-je, penaude.

  • Et puis, c'est Castiel, marmonna-t-il.

  • C'est-à-dire ? fis-je, surprise.

  • Tu l'aimes encore, ça se voit, affirma-t-il. D'ailleurs, après le concert, tu m'as dit que tu étais désolée. Mais moi aussi, je dois m’excuser, c'est moi qui ait tout gâché, ta relation avec Castiel, et notre amitié à toi et moi. Je n'aurais pas dû t'embrasser ce jour-là. J'ai vraiment été égoïste depuis le début avec toi. »

     

    Je fus désarçonnée par ses paroles. Il venait pour la première fois de parler d'amitié entre nous deux, alors qu'il a toujours certifié qu'on ne pouvait être amis.

     

    « Tu n'es pas le seul à avoir été égoïste, Armin, articulai-je. Je crois qu'on a tous les deux bien foirer dans cette histoire...

  • Ouais, « foirer », c'est le mot, approuva-t-il.

  • Et depuis ça, j'arrête pas de tout foirer ! continuai-je, dramatique. Regarde, encore ce soir, j'ai failli me vomir dessus ! »

 

Il explosa de rire.

 

« T'inquiète pas, je crois pas que quelqu'un t'en tienne rigueur, ils ont tous l'air de très bien s'amuser, même sans toi, Madame la Reine du Foirage.

  • Et toi ? Tu t'amuses en faisant le garde-malade ? demandai-je en souriant.

  • Énormément, je passe ma meilleure soirée actuellement, rigola-t-il. Tu sais bien que je suis pas trop « fête » et tout ça de toute façon, ça me dérange pas de te tenir compagnie. »

 

J’acquiesçai silencieusement. Armin était si gentil avec moi. Il me regarda en souriant avant d'ajouter :

 

« Enfin sauf si tu veux que je te laisse te reposer.

  • Non, non, ça me ferait plaisir que tu restes, le rassurai-je. D'ailleurs, c'était prévu que vous restiez dormir ici, ou pas ? Je ne me souviens plus.

  • Notre père avait dit qu'on pouvait l'appeler à n'importe quelle heure s'il y avait besoin de venir nous chercher, Kentin, Alexy et moi, mais sinon, on comptait dormir ici, je crois.

  • Tu restes avec moi alors, dis-je. »

 

Je me levai, ma tête tourna quelques secondes, puis j'attrapai un t-shirt et un legging et continuai :

 

« Tu peux fouiller dans mes DVD et mettre un film si tu veux, je vais juste prendre une douche, j'en ai pour cinq minutes, je reviens.

  • Tu veux regarder un film à cette heure-là ? demanda-t-il, perdu. Et... Quoi ? Tu veux vraiment que je dorme là, avec toi ?

  • Je transforme cette soirée qui a vraiment mal commencé en super soirée pyjama avec un ami, expliquai-je en refermant la porte de la salle de bain. »

 

***

 

Cinq, ou plutôt dix minutes plus tard, je sortis de la salle de bain. Armin avait retiré ses chaussures et m'attendait pour lancer le film.

 

« J'ai pas eu le temps de te dire, j'ai pas apporté de pyjama, annonça-t-il. »

 

Je pouffai de rire en l'imaginant accoutré d'un pyjama à rayures. Je m'allongeai sur le lit, et il fit de même. Je remarquai qu'il prit garde à ne pas me toucher.

 

« J'ai choisi Jurassic Park, dit-il, c'est un de mes films préférés.

  • À moi aussi, c'est de mes films préférés, fis-je en souriant, je sais pas pourquoi, j'étais sûre que tu choisirais ce film-là.

  • Tu veux me faire croire que tu me connais, railla-t-il.

  • Tu es un de mes meilleurs amis, on se doit de connaître les goûts de ses amis, répliquai-je, enjouée. »

 

Une fois le film commencé, je me blottis contre lui. Il frémit, mais ne fit aucun geste pour s'écarter. Il passa son bras autour de moi. On s'endormit très vite, au-dessus des couvertures et la télévision allumée. J'entendis juste la porte s'ouvrir dans la nuit : Laeti et Émilie venaient prendre leurs affaires pour dormir. Qu'ont-elles pensé ? À quoi pensais-je moi-même ? Il venait seulement de revendiquer notre amitié, et je lui demandai de passer la nuit dans mon lit : l'alcool embuait totalement mon esprit.

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