Je rentrai chez moi et passai la soirée dans ma chambre, à pleurer. Je pleurai pour plusieurs choses : d'abord, parce que j'aurais voulu qu'Armin et moi soyons amis, tout aurait été bien plus simple, ensuite parce que j'avais honte de l'avoir embrassé, et finalement parce que je savais que ma relation avec Castiel touchait forcément à sa fin. Je tenais tellement à lui, et j'avais tout gâché. Nous étions ensemble depuis si peu de temps, pourquoi fallait-il que je fiche tout en l'air aussi vite ?

A l'heure du dîner, mon père frappa à ma porte. Je répondis entre deux sanglots que je n'avais pas faim. Il entrouvrit tout de même la porte et s'enquit de ce qui n'allait pas.

 

« Je n'ai pas envie d'en parler, Papa, glapis-je.

  • Je savais que tu dirais ça... soupira-t-il. Mais ça me semble être un très gros chagrin. C'est à cause du garçon aux cheveux rouges que j'ai aperçu l'autre soir ? »

     

 

A l'évocation de Castiel, je pleurai de plus belle.

 

« Noooon... c'est pas... sa ff-aaaute, pleurai-je.

  • D'accord, d'accord, s'affola mon père. Calme-toi. Je te laisse, tu veux que j'aille te chercher des mouchoirs ?

  • O-oui, s'il te plaît. »

 

 

Le dimanche matin, je n'eus pas besoin de me regarder dans le miroir pour savoir que j'avais une mine affreuse. J'envoyai un message à Castiel pour lui dire que nous ne pouvions pas nous voir, car j'étais malade. Il ne me répondit pas, ce qui me fit encore plus de peine. Je paniquai, peut-être qu'il avait appris ce que j'avais fait hier ? Armin le lui avait peut-être dit ? Non, je ne le pensais pas aussi cruel. C'était à moi de lui dire, il fallait seulement que je trouve le courage...

Je pris une douche et enfilai un jogging et un t-shirt propre. Je comptais me changer les idées en regardant un film. Je choisi le film le plus long que je pouvais trouver parmi mes DVD : Autant en emporte le vent. Une histoire d'amour impossible, c'était tout à fait dans le ton.

Alors que les Yankees envahissaient Atlanta, on sonna à la porte. Je me levai pour regarder à la fenêtre qui était le visiteur. J'eus l'impression que mon sang avait totalement quitté mon corps et failli m’effondrer, lorsque j'aperçus Castiel sur mon perron. Je me précipitais sur le palier pour écouter mon père parler avec Castiel depuis le rez-de-chaussée. Mon père venait tout juste d'ouvrir la porte :

 

« Bonjour, dit-il suspicieusement.

  • Bonjour monsieur, je viens voir Iphigénie, annonça poliment Castiel. Elle m'a dit qu'elle était malade, mais...

  • Malade, répéta mon père. Attends ici, je vais la prévenir que tu es là. »

 

Je me précipitais dans ma chambre sans faire de bruit. Mon père frappa.

 

« Oui ? fis-je.

  • Ton ami aux cheveux rouges est en bas ma chérie, me dit mon père, avec un air inquiet, comme s'il redoutait que je fonde à nouveau en larmes.

  • Il s'appelle Castiel, murmurai-je.

  • Castiel. Est ce que je lui dis de monter ? »

 

Je réfléchissais. Je n'avais vraiment pas le courage de parler à Castiel, pas maintenant. Mais avais-je le choix de toute façon ? Il était là, je n'allais quand même pas le renvoyer comme ça sans un mot. Je fis « oui » de la tête. Je me regardai rapidement dans le miroir, me recoiffai tant bien que mal. On pouvait facilement croire que j'étais enrhumée, avec mes yeux rouges et mon nez irrité.

Castiel ouvrit la porte quelques secondes plus tard, il me regarda et prit un air inquiet. J'essayai de rester forte et de ne pas flancher, mais c'était difficile. Je n'avais pas envie de pleurer comme si c'était moi la victime, alors qu'avec ce que j'avais fait, j'étais clairement la méchante de l'histoire.

 

 

« Ça a pas l'air d'aller, me dit-il, gentiment. »

 

Il s'approcha de moi et esquissa un geste pour me prendre dans ses bras, je reculai, gênée. Il fut surpris.

 

« Assis-toi, si tu veux, bredouillai-je. Il faut que je te dise quelque chose. »

 

Je n'avais pas envie de dire « il faut qu'on parle », car on entendait trop cette phrase, et on savait ce qu'elle présageait. Il s'assit sur mon lit, sans dire un mot, les sourcils froncés. Je m'assis sur ma chaise de bureau, face à lui. Je n'avais pas préparé ce que je lui dirais, je savais que ça importait peu, de toute façon, rien de ce que je pouvais dire ferait qu'il le prît avec le sourire.

 

« J'ai fait quelque chose de vraiment honteux, hier, je m'en veux énormément, et je sais que peu importe ce que je te dirais, ça n'y changera rien, et je...

  • Crache le morceau s'il te plaît, me coupa-t-il. »

 

Il s'était déjà levé, ses poings étaient serrés, et ses yeux noirs.

 

« Je suis allée chez Armin, et on s'est embrassé. »

 

Je ne lui dis pas que je regrettais, ni que j'avais pleuré toute la nuit en y repensant. Je ne voulais pas me trouver d'excuses, je voulais qu'il m'en veuille vraiment, en aucun cas qu'il n'ait pitié de moi.

 

« Tu me dégoûtes, lâcha-t-il. Pourquoi t'étais chez lui ? Laisse tomber, je veux même pas le savoir. Quand je pense que je t'avais demandé si on pouvait se voir. T'avais prévu de te le taper depuis quand ? Quand je te revois dire « c'est juste un ami »... Tu t'es tellement foutu de ma gueule. »

 

 

Il criait presque, j'avais peur que mes parents ne débarquent et demandent ce qu'il se passait.

 

« Je pensais pas que tu ferais la traînée encore plus rapidement que Debrah, cracha-t-il, sans me regarder. »

 

Je le méritais. Je sentais des larmes silencieuses rouler sur mes joues. Il quitta la pièce en claquant la porte, et sortit sous la pluie. J'entendis sa moto démarrer, et s'éloigner.

 

Je m'en voulais tellement, je m'étais interposé entre Debrah et lui, car j'avais envie de le rendre heureux. J'avais dit à Lysandre que je pouvais lui apporter plus qu'elle ne le faisait, elle. Au lieu de cela, au bout de deux semaines, j'en embrasse un autre. Je me sentais minable et indigne.

 

 

Je fus reconnaissante envers mes parents qu'aucun d'eux ne montent pour me demander pourquoi mon soi-disant petit-ami avait quitté la maison si rapidement et en claquant la porte.

 

J'avais beau ne pas avoir mangé du week-end, je restai plusieurs heures dans ma salle de bain, assise près des toilettes, le cœur au bord des lèvres. Était-ce la façon que mon corps avait trouvée pour me signifier à quel point j'étais répugnante ?

 

Le lendemain matin, mon réveil sonna alors que je n'avais même pas fermé l’œil. Je n'eus pas le courage de me maquiller, rien n'aurait pu dissimuler la honte sur mon visage. Bizarrement, je fus en avance au lycée, je m'assis sur le muret, avec dans les oreilles « Angie », des Rolling Stones.

Armin était devant la grille, en train de discuter avec Alexy et Kentin. J'espérais au fond de moi que Castiel serait absent aujourd'hui, je n'avais pas envie de me retrouver à côté de lui en cours d'anglais. Mon vœu fut exaucé, Castiel ne se montra pas aux premières heures de cours. Mais, à la pause déjeuner, il était adossé à la grille, une cigarette entre les lèvres, en compagnie de Lysandre. Armin, passa près d'eux, accompagné de son jumeau et de Kentin. Je sus à ce moment-là que cette scène allait mal tourner.

 

 

Et en effet, je fis Castiel remuer les lèvres, Armin se retourner, dire quelque chose à son tour. Je me doutais que ces paroles qu'ils échangeaient n'étaient pas des politesses. Castiel se redressa et s'avança vers Armin, je l'entendis l'insulter, alors que j'étais encore au fond de la cour. Castiel poussa Armin, violemment, Lysandre essaya de retenir son meilleur ami par l'épaule, mais il se dégagea et frappa Armin en plein visage. Je me mis à courir vers la bagarre, affolée. Tout le monde avait les yeux rivés sur eux, à présent. Je me frayais un chemin à travers la foule. Armin avait l'arcade sourcilière ouverte et saignait abondamment, ce qui ne l'empêcha pas de répliquer. Castiel se prit un coup brutal au menton. Enfin, Lysandre, Alexy et Kentin réussirent péniblement à les séparer. Castiel continuait à insulter Armin de tous les noms. Son visage était transformé par la colère et sa lèvre inférieure saignait. J'aurais voulu me jeter dans ses bras, lui dire qu'il était idiot, puis prendre soin de lui. Je ne pouvais pas faire ça, il me détestait à présent. Plusieurs professeurs obligèrent les élèves à s'écarter et emmenèrent les deux garçons chez le proviseur. J'étais sous le choc. Iris vint à ma rencontre et m'enlaça, en me frottant le dos, pour me calmer. Elle ne dit rien.

Nous ne revîmes pas les garçons de l'après-midi. J'appris par Alexy qu'ils avaient tous deux été exclus du lycée pour une semaine.

C'était entièrement ma faute.

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